expositions


SOLIDE FRAGILITÉ, exposition du 25 mai au 8 juin 2016
JEAN-MICHEL BOULAIRE & PATRICE NOVARINA - dessins, monotypes, sculptures : formes et travaux d'architecture
JEAN-MICHEL BOULAIRE
Jean-Michel Boulaire n’est pas l’artiste d’un seul médium ni d’une seule technique, il n’est pas non plus un artiste de la couleur. Sa matière première, c’est la matière ! Béton, bois, laiton, plomb etc. Il puise dans chacune d’entre elles ce qu’elle exprime au mieux, solidité, chaleur, brillance, rugosité etc. Son travail consiste à les assembler, les associer, les faire dialoguer pour créer de la tension ou de l’harmonie. Et des formes.
La forme la plus récurrente, le monolithe, est un espace clos et impénétrable, entre sculpture et architecture. Ses sculptures, dessins et estampes sont peut-être un peu des deux. À les voir en photo, il n’est pas possible de deviner la taille de ses sculptures puisqu’aucun environnement ne donne d’information sur l’échelle.
- « Soulever des montagnes » est une sculpture à part entière mais sa structure appartient au registre architectural, c’est un peu la maquette d’un projet utopique, exposer le fragment d’une montagne. L’expression « soulever des montagnes » est prise au sens littéral, elle est devenue possible, réelle. L’ensemble fonctionne comme un oxymore : une solide fragilité. La pierre est collectée, elle n’est pas retaillée. La structure n’est pas simplement pensée en terme d’efficacité, au contraire elle doit être à la limite de la rupture pour que s’en dégage une force poétique. Comme la pièce précédente, « Refuge » joue de la même opposition mais désigne ici clairement un habitat. Habitation contrariée néanmoins… puisqu’elle n’a ni entrée, ni accès. Les pigments rouges évoquent ici aussi la signalétique des chantiers, de la construction.
- Dissection. Sculpture (pierre, acier, pigments) : le monolithe, figure récurrente, est ici disséqué. A défaut de pouvoir valider le caractère scientifique de la démarche, on retiendra l’humour et l’absurdité du geste. Mais par lui naissent de nouvelles combinaisons formelles. C’est l’idée qu’on retrouve avec la série des « containers » dont l’enveloppe s’articule autour du noyau central et crée des variantes physiques. Comme un écrin la structure en contreplaqué protège le polyèdre et nous même protégeons la sculpture dans le creux de la main come un objet précieux. Une fois soustrait, le polyèdre laisse alors place à une architecture modulable dont la fonction n’est pas clairement identifiable.
- Le Bunker, qui a gagné ici en noblesse par l’emploi de la céramique émaillée, est à la fois archétype du monolithe architectural et refuge protecteur, défensif. Pourtant sa carapace protectrice est devenue très vulnérable, croquée (dissection brutale et primaire ?) comme une simple pâtisserie. On s’approche de son centre. Saura-t-on ce qui s’y cache ?
- Néologisme né de la contraction d’une technique d’estampage, le monotype, et de la figure qu’il représente, le monolythe, le « monolype » pesant et flottant à la fois, dans l’affirmation de ses formes et de sa matière, sans référent, sans échelle ni environnement n’est ni sculpture ni architecture autant qu’il est les deux à la fois. Il est autonome et s’affirme.
- La série de dessins « Dissections » reprends l’idée d’opposition que l’on retrouve dans plusieurs œuvres. Par le geste d’abord, l’un, exécuté à la mine graphite est lent et minutieux, l’autre, est rapide et coloré. Ce dernier est réalisé avec un outil de maçon, le cordeau à tracer. Ce geste et cette forme indéfinie désignent une intention, un projet à bâtir. Ainsi, bien que figé, le dessin devient une forme en devenir que l’on peut essayer d’imaginer pour se libérer de sa forme statique. Paul Detrasse
PATRICE NOVARINA
La galerie présente des dessins de Patrice Novarina des années 1980 à aujourd’hui, rassemblés pour la plupart dans l’ouvrage récemment paru aux éditions Calligramme : Patrice Novarina, « D’un carnet à l’autre », préface de Claude Labbé. Aquarelles de cités imaginaires, dessins semi-automatiques, croquis d’études de projets réalisés ou non révèlent l’univers et les rêveries de cet architecte « atypique » doublé d’un artiste. Quelques petites archisculptures comme il les a baptisées (constructions inutiles, fragments de paysages, déchets de chantier détournés) seront exposées également, confirmant le caractère à la fois classique et singulier de ces travaux.
« Croquis jetés sur tout ce qui tombe sous l’œil ou aquarelles appliquées sur de beaux papiers qui sentent bon, procèdent de la même chasse aux images, urgente et rituelle. Le dessin d’architecture décrit la réalisation de l’idée et la transforme en concept. Avant et pendant les plans dessinés selon le code, la maturation du projet s’encombre de ces images là, images qu’il faut fixer parce qu’elles sont dangereuses et fragiles. Séduisantes, elles anesthésient facilement, provocantes, elles risquent la poussière.
Une simple rature fait rebondir un projet. Un autre dessin ne sera qu’un minuscule tableau, la cueillette de quelque paysage mental, ou le compte rendu de voyage effectué sur papier : fruit d’un amusement graphique plus ou moins automatique ; école buissonnière très sérieuse qui s’impose. Toute dérive et contamination par le geste dont je garde la trace pour un autre apprentissage, pour conserver un regard vers les régions d’où l’on vient et où il nous faut naviguer. Mais aussi, traces de lutte avec les formes, énigmes et petits messages jetés à soi même comme des bouteilles à la mer ; fragments de journaux de bord divers et autres souvenirs colorés d’exploration vers l’architecture. » Patrice Novarina
« Les dessins de Patrice Novarina sont libres – ou plutôt devrait-on dire libérés ; volontairement détachés des contraintes inhérentes à l’exercice architectural… Quelques-uns se revendiquent inconstructibles, certains affirment leur statut d’improbables, nombreux sont ceux édifiés dans des paysages de nulle part. Mais ne sont-ils pas les plus terriblement sérieux ? (On) croit deviner le stratagème de l’auteur : l’espace inutile, faussement inutile, de Georges Perec. L’Oulipo ne transpirerait-il pas de ces dessins-là qui s’élèvent au rang d’une mathématique bleue ? Une poésie de l’incomplétude. La proclamation d’une voix solidaire, au détour de fragments de cités idéales ou de labyrinthes piranésiens, baignés d’ombre et de soleil, peuplés de silhouettes solitaires armées de crayons et de parapluies… » Claude Labbé
Quant à ses sculptures, « Ses rêveries ont un goût d’enfance. Sa fraîcheur d’esprit peut faire envie, sa spontanéité aussi, débordant les rouages de la grande casse contemporaine. Sur ses franges fertiles, il erre sans nostalgie au gré de l’imaginaire, en quête de sollicitations multiples. Excitation de l’action. La combinaison mécanique relaie la pensée magique dans ces exercices de transformation. Patrice Novarina construit ses pièces avec malices, sans trop les fourbir, pour laisser poindre le mystère des origines. Il y a de l’esprit en toute chose. Ses collages accèdent à l’entendement en dépassant l’absurdité du débris, du morceau délaissé. Évoquer l’art brut ou les avatars d’un Oulipo plastique ne saurait épuiser l’humour et la poésie qui se dégagent de ce bricolage inspiré. La dérision, si elle existe, concerne en premier lieu l’auteur. Le roi s’amuse et revendique la légèreté, ce qui n’exclut ni la passion de l’engagement ni la profondeur donnée à ces assemblages longuement ruminés. L’intrigue se noue et l’inquiétude rode. Le ferrailleur en escompte une certaine contagion. Il nous guide de pièce en pièce d’un trait de soudure et ses titres nous éclairent sur son récit intérieur. » François Lamarre
galerie caroline tresca
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du mardi au samedi, de 14H00 à 19H00
T +33 (0)1 43 26 80 36
M +33 (0)6 17 19 73 57
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